Vie et mort d'un Cyclope framerisois (1984-2014)


Parfois on passe devant un arbre sans jamais lui accorder une quelconque attention. Mais si on en vient à couper cet arbre, il nous manque. C’est dans cet état d’esprit qu'a disparu le « Cyclope au cadran solaire » du quartier Calmette/Piérard où il se trouvait depuis 1984.

Cette sculpture, réalisée en pierre d’Euville par l’artiste framerisois Jean Dulière était depuis lors installée au square de la Chaux-de-Fonds. Le cadran solaire en avait été monté par le Services des Travaux.

Il faut bien se dire que cette chose finalement assez étrange (il s’agit, à notre connaissance, du seul exemple de sculpture d’art contemporain exposée en extérieur dans l’entité de Frameries), installée à l’écart du centre, a fini par subir outre les outrages du temps, essentiellement ceux de citoyens indélicats qui l’ont partiellement démantibulée et dégradée. Il y a longtemps que le cadran solaire a pris la tangente. Les mandibules du Cyclope se sont faites la malle. Quant à son corps, blanc à l’origine, il revêtait depuis de nombreux mois avant sa disparition les couleurs de la Jamaïque…

Et puis subitement, en 2014, voilà que le Cyclope disparaît. A son emplacement, les ouvriers et les machines de terrassement vont et viennent : les travaux de la future nouvelle crèche allaient bon train ! La Cyclope avait-il été embarqué parmi les gravats du chantier ? Avait-il fini en poudre dans le ballast d’une chaussée ? Où bien avait-il été sauvé avant l’hallali ?

Dans son voisinage immédiat, un femme de charge s’en inquiète alors : « Je me demandais justement ce qu’elle était devenue, cette sculpture » s’écrie-t-elle. Elle expliqua avoir vu un camion de la Commune la charger sur son plateau. La balance se mettait soudainement à pencher soudainement du côté du sauvetage !

A tout hasard : direction le Hall de Maintenance. Rencontre avec le responsable des lieux : M. Catherine, bien en peine de savoir si le Cyclope se trouve là quelque part. Dévoué, M. Catherine passe quelque coups de fil : oui, non… C’est oui : la sculpture est bien stockée là ! C’est M. François, sympathique contrôleur des travaux, qui nous emmène dans ce qu’on pourrait appeler le cimetière technique de la commune. Tant de choses y traînent : bancs vermoulus (les bancs jaunes, souvenez-vous), panneaux de signalisation, bornes de béton…

Et au milieu de ce maëlstrom, dans l’air pur de janvier, au détour d’une tente de bâche noire abritant je-ne-sais quel mystère : le Cyclope. Il est passé de la Grèce Antique à la Jamaïque, d’un square public à l’arrière-boutique du Hall de Maintenance, mais il est bien là.

Quel sera l’avenir de cette sculpture abimée, fatiguée, défigurée ? Le sculpteur, aujourd’hui disparu, ne pourra pas remédier à son triste état. A le voir, notre malheureux Cyclope, il y a tout de même peu de chance qu’on la réinstalle quelque part. « Quand Jean Dulière est décédé, explique Roseline Hogne, j’ai été déposer des roses dans les bras du Cyclope ». Roseline et Jean étaient alors mariés. Et Roseline de proposer : « Si la Commune n’en veut plus, moi, je veux bien l’héberger dans mon jardin ».

L’idée n’est pas sotte: à l’instar d’Ulysse, ça permettrait à notre « Cyclope au cadran solaire » de rentrer chez lui après une longue longue longue absence…


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